Biofilms et infections chroniques : se soigner à l’aide des plantes médicinales

Caroline Gagnon et Véronique Méthot
Quel est le point commun entre la plaque dentaire, la maladie de Lyme, les infections urinaires à répétition, la candidose et la pneumonie de la fibrose kystique? Ce sont toutes des infections reliées à des biofilms. En plus d’expliquer pourquoi ces pathologies s’avèrent en général très difficiles à éliminer, le fait qu’elles soient reliées à des biofilms nous informe sur les processus les rendant récurrentes... c’est-à-dire chroniques! Nous nous sommes penchées sur la question dans le cadre de notre cours Systèmes lymphatique, immunitaire, et respiratoire : pathologies, fondements et recommandations et nous devons avouer que le sujet nous a passionné au point de vouloir le partager avec vous.

Dans cet article

Biofilm et plantes médicinales

Un changement de paradigme

Alors que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) déclare que nous entamons l’ère post-antibiotique, nous commençons à voir en clinique que la résistance développée par les micro-organismes affecte non seulement les antibiotiques mais aussi les plantes anti-infectieuses, surtout celles utilisées à grande échelle. Nous souhaitons vivement qu’en réponse à cela émerge un changement de paradigme qui représenterait en quelque sorte un retour aux sources : nous avons co-évolué avec les plantes médicinales. Elles sont ici depuis bien plus longtemps que nous, tout comme les micro-organismes que nous tentons en vain de détruire.

Les plantes recèlent de trésors, et bien au-delà de leurs propriétés anti-infectieuses, qui ne sont qu’une infime partie de ce qu’elles font pour nous. Les plantes médicinales, tout comme le soleil, la nature et l’eau, ont un grand potentiel de régulation pour l’être humain. Prendre une plante pour gérer un trouble de santé est bien plus complexe que la simple équation « un constituant + un pathogène = un résultat ». Prendre une plante pour gérer un trouble de santé c’est intégrer un écosystème complexe (la plante) dans un autre écosystème complexe (l’organisme humain et son microbiote). C’est cette relation que nous vous invitons à approfondir en co-créant ce nouveau paradigme. Et c’est ce que nous comprenons encore mieux en nous penchant sur le lien entre les biofilms et les infections chroniques.

Que sont les biofilms?1,2,3

Les bactéries et autres micro-organismes sont des êtres grégaires, c’est-à-dire sociaux, qui ont tendance à s’organiser en biofilms : des communautés denses et structurées organisées dans une matrice de polysaccharides, le tout attaché à une surface. En fait, toute surface, organique ou non organique, est propice à la formation d’un biofilm du moment qu’elle est humide et que des nutriments sont disponibles. Cela peut donc s’appliquer aux roches d’une rivière, aux implants chirurgicaux, aux cathéters, aux systèmes de tuyauterie, et à plusieurs parties du corps. Les poumons, le système urinaire, le système digestif, les vaisseaux sanguins et les plaies sont les parties du corps humain où nous retrouverons le plus souvent des biofilms.

Pathologies reliées au biofilms

  • Parodontie
  • Athérosclérose
  • Infections urinaires chroniques
  • Otites chroniques
  • Pierres aux reins (mélange de minéraux de l’urine et de biofilm)
  • La plupart des infections transmises sexuellement (ITS)
  • Prostatite
  • Endocardite
  • Ostéomyélite
  • Plaies chroniques
  • Candidoses chroniques
  • Pneumonie de fibrose kystique (Pseudomonas aeruginosa)
  • Maladie de Lyme (boréliose)
  • Choléra4
  • Sinusites chroniques
  • Syndrome du choc toxique

Biofilm versus bactéries planctoniques

Durant plusieurs générations, les microbiologistes ont étudié les micro-organismes strictement sous leur forme planctonique, c’est-à-dire isolés ou libres, ou encore dans des colonies à espèce unique. Le développement des antibiotiques ayant suivi ce modèle, leur efficacité a été testée uniquement dans ce contexte. Les études récentes ont cependant démontré que les bactéries organisées en biofilms ont des capacités et stratégies de survie qui excèdent de loin celles des bactéries individuelles. Par exemple, les biofilms peuvent tolérer des doses d’antibiotiques allant jusqu’à 1000 fois les doses nécessaires pour tuer des bactéries planctoniques.5
Cependant, nous savons maintenant qu’au-delà de la résistance aux antibiotiques développée par plusieurs micro-organismes, la plupart des états infections résultent d’un déséquilibre microbien complexe et non pas simplement de la présence d’un seul pathogène.

Une communité diverse – ou se rassembler pour s’épanouir

Ainsi, c’est dans le but de maximiser leurs chances de survie communes que les micro-organismes s’associent sous forme de biofilms. Dans la nature, la composition des biofilms est diverse et celle-ci peut inclure jusqu’à plusieurs centaines de bactéries différentes et autres micro-organismes. Les biofilms peuvent aussi renfermer des débris ou des métaux lourds. Les bactéries communiquent entre elles par le biais de signaux chimiques, concept appelé la détection de quorum. En plus de favoriser une certaine stabilité, de concentrer les nutriments et de favoriser les échanges entre les micro-organismes, les biofilms vont permettre la création de différentes zones présentant des conditions spécifiques : des organismes anaérobies par exemple, vont pouvoir profiter des régions au centre des biofilms, à l’abri de fluides riches en oxygène. Aussi, certains micro-organismes vont se spécialiser ou entrer en dormance – ce qui leur permet, entre autres, d’échapper aux antibiotiques et au système immunitaire.

Biofilm et chronicité

En comprenant mieux les divers fonctionnements des biofilms, nous pouvons aussi mieux saisir le fonctionnement des infections chroniques. Ainsi, des biofilms relativement stables peuvent s’établir dans le corps humain et, périodiquement, un biofilm laissera s’échapper des bactéries planctoniques ou des virus pathogènes, qui causeront les symptômes infectieux aigus.

Biofilm et plantes médicinales

Plusieurs plantes médicinales, huiles essentielles et produits naturels présentent des pistes très intéressantes pour stopper des infections reliées à des biofilms.

Certaines, comme la canneberge, inhibent l’adhésine, protéine utilisée par les bactéries pour adhérer aux surfaces, à la base de la formation des biofilms. Le jus de canneberge est d’ailleurs utilisé traditionnellement pour enrayer les infections urinaires qui sont, comme nous l’avons vu, reliées à des biofilms.

De leur côté, les flavonoïdes et plusieurs huiles essentielles ont un effet sur la détection de quorum.
Finalement, Alium sativum, ce bon vieil ail utilisé par des milliers de personnes partout autour du monde pour enrayer des infections de toutes sortes, a été beaucoup étudié en laboratoire et ce de manière très concluante. Xueqing Wu, chercheuse au doctorat en microbiologie à l’Université d’Utrecht aux Pays-Bas, a même trouvé que les extraits d’ail fait maison (aqueux et alcooliques), testés contre la formation des biofilms, étaient plus efficaces que l’allicine isolée.6

La liste des plantes médicinales efficaces pour assaillir les biofilms est longue et cette information, qu’elle provienne d’usages traditionnels empiriques ou d’un laboratoire, demeure utile et précieuse. L’incomparable pouvoir de régulation des plantes médicinales nous offre cependant l’occasion d’aller beaucoup plus loin : rétablir l’équilibre immunitaire, renforcer les tissus, réduire l’effet du stress, favoriser un microbiote sain, supporter une bonne détoxification et bien plus!

Pour aller plus loin

Nos cours approfondissent ce type de problématiques et explorent des outils thérapeutiques naturels, principalement les plantes médicinales, les fondements de la santé et l’alimentation. Nous avons la chance de profiter, tant dans notre équipe qu’avec nos étudiants, de discussions passionnantes et instructives. Ainsi s’est développé un profond désir d’échanger, de renforcer et de construire une communauté d’herboristes et d’amoureux des plantes médicinales au-delà de notre organisation.
1. J. W. Costerton, Philip S. Stewart, E. P. Greenberg. Bacterial Biofilms : A Common Cause of Persistent InfectionsScience 21 May 1999:Vol. 284, Issue 5418, pp. 1318-1322. www.sciencemag.org [En ligne, consulté le 3 août 2015]
2. Montana State University. Center for Biofilm Engineering, Biofilm basics. [En ligne, consulté le 3 août 2015]
3. T. Bjarnsholt. The role of bacterial biofilms in chronic infections, (Rapport de thèse) 2013 APMIS Published by Blackwell Publishing Ltd.
4. Higgins, D., Pomianek, M., Kraml, C. et al. The major Vibrio cholerae autoinducer and its role in virulence factor production. Nature 450, 883–886 (2007). [En ligne, consulté le 28 avril 2015]
5. Montana State University. Center for Biofilm Engineering, Biofilm basics:Section 1. [En ligne, consulté le 28 avril 2015]
6. Xueqing Wu, Regiane R. Santos et Johanna Fink-Gremmels. Analyzing the antibacterial effects of food ingredients:model experiments with allicin and garlic extracts on biofilm formation and viability of Staphylococcus epidermidis, Food Science & Nutrition, 2015, (3)2, 158–168. [En ligne, consulté le 3 août 2015]

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