La danse des plantes : une passion pour l’herboristerie

Jul 22 / Caroline Gagnon et Véronique Méthot
En cette saison empreinte de féerie, j’avais envie de partager avec vous un billet un peu plus personnel. Une note pour vous faire part de ce qui m’a séduite à la base, et m’a amenée à m’engager dans cette merveilleuse et quelque peu surprenante aventure qu’est l’herboristerie. Alors voici, la vérité vraie, c’est que les plantes, je les aime d’amour!

C’est si simple, mais si ardu à expliquer parfois! Et c’est ÇA, surtout, qui unit les herboristes, ce que nous avons à peu près toutes et tous en commun. Un amour profond de la plante. Une joie, qui peut paraître un peu surprenante vue de l’extérieur, que nous ressentons à la rencontre fortuite d’une alliée verte, au détour d’une ruelle ou en pleine forêt.

Je me souviens, après avoir étudié et utilisé l’échinacée pendant quelque temps, de la première fois que je suis tombée sur une échinacée sauvage. Je n’ai pas pu m’en empêcher, je me suis mise à danser autour. C’était une expérience tellement satisfaisante! Oui, oui, j’ai fait ce que je nomme « la danse des plantes ». La plupart des herboristes que je connais ont aussi déjà vécu cela. C’est un sentiment semblable à celui qu’on peut ressentir lorsqu’on retrouve une personne chère après une longue absence. Je suis certaine d’ailleurs que plusieurs jardiniers et jardinières vivent cela également.
Après quelques années à vivre sur la côte ouest canadienne, entourée de forêts anciennes et d’une communauté d’herboristes vibrante, je suis revenue vivre à Montréal au milieu des années 90. Au départ, j’avais l’impression d’être dans un environnement si hostile, froid et recouvert de béton. Mais en peu de temps, j’ai commencé à retrouver mes alliées vertes un peu partout : des pissenlits dans les fissures de trottoirs, du plantain et de l’achillée millefeuille au cœur des parcs, de la prunelle et du tussilage s’immisçant dans les plates-bandes et les ruelles. Même ma très chère agripaume, qui m’a soutenue quotidiennement tout au long de cette difficile transition, aime élire domicile au milieu de la flore urbaine. Et que dire des abords de chemins de fer, là où une flore tellement diversifiée s’épanouit, les semences étant ramenées des campagnes par les trains! C’est presque magique! Bien sûr, la cueillette n’est pas toujours possible en ville (et ne l’est jamais aux abords de chemins de fer) : il faut être prudent puisque parfois, les sols sont trop contaminés. Cela dit, devoir laisser plusieurs de ces plantes en place n’est pas si mauvais puisque les plantes médicinales soignent les humains, mais elles soignent aussi la terre.

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Au fil des années, j’ai accompagné des centaines de personnes lors de balades d’identification à travers la ville, et à tout coup, la magie opère! Je ne me souviens pas d’une seule personne qui en soit ressortie sans ce sentiment d’émerveillement qui surgit lorsqu’on réalise que tant de plantes magnifiques et précieuses nous entourent, même en ville! Les reconnaître, les comprendre et même le simple fait de les voir apporte un sentiment de connexion tellement réconfortant. C’est un antidote à l’isolement moderne. À travers la découverte des plantes médicinales qui nous entourent, le monde retrouve son intelligence. Même dans une ruelle, on peut trouver ce qu’il faut pour diminuer l’angoisse ou soigner la toux. Avoir des ressources pour nous soigner partout où nous nous trouvons nous amène à réapprendre à voir notre environnement comme bienveillant.
Cette connexion, ce savoir ancestral sont tout naturels pour les enfants qui y sont exposés, tout comme ils l’étaient pour l’humanité jusqu’aux derniers siècles. Je le vois avec mes enfants, qui ont grandi entourés de ce savoir. Je me rappelle la surprise de ma fille lorsqu’elle a constaté que son enseignante de maternelle ne connaissait pas le chardon-Marie et l’enthousiasme de mon fil à donner du plantain à un ami qui s’était fait une éraflure. C’est pour cela aussi qu’en rencontrant l’herboristerie à 19 ans, j’ai ressenti de la tristesse de ne pas avoir appris cela à 5 ans. J’avais l’impression de retrouver mon héritage, qui est en fait l’héritage de tous les peuples. 

Ces relations s’approfondissent aussi avec le temps. Imaginez-vous seulement la joie ressentie lorsque, après une année où la grippe a été particulièrement forte et que le sirop de sureau a coulé à flots, nous retournons récolter de ce même arbre qui a soutenu notre famille. Je vous le dis, je l’aime d’amour ce sureau qui me fournit fleurs et baies chaque année! Parmi mes autres plantes chouchou, il y a aussi le gotu kola et la prunelle, auxquels j’aurais envie d’édifier un autel tellement ils m’ont soutenue ainsi que mes clients. Lorsqu’on revient à une plante, après l’avoir vue à l’œuvre avec nos êtres chers, il est carrément impossible de ne pas ressentir de la gratitude. Cela transforme notre relation avec le monde végétal et avec la Terre en général. Que dire de ce que ceci peut signifier pour les Premières Nations, qui vivent ces relations avec leur environnement depuis d’innombrables générations! Il est peu surprenant ensuite de constater que les autochtones de par le monde sont à l’avant-scène des luttes environnementales.

Aussi, lorsque nous buvons une plante qui nous fait du bien, notre corps le reconnaît et nous dit merci, par une joie profonde et un grand sentiment de satisfaction, pas seulement sur le plan intellectuel, mais aussi viscéral. Je n’ai jamais ressenti cette joie lorsque je prends un complexe B! Par exemple, durant la période suivant mon retour à Montréal que j’ai mentionnée plus tôt, je travaillais dans une herboristerie. Le stress de cette transition m’affectait de plusieurs façons, notamment par de petits brûlements d’estomac. Lorsque je devais servir ou ensacher de la reine des prés, l’odeur était devenue tout bonnement enivrante. Mon corps en avait besoin et me le faisait savoir.

Au cours des années, j’ai compris à quel point notre corps sait et nous informe de nos besoins et de ce qui pourrait nous faire du bien. Je le vois aussi avec mes clients lorsqu’ils me parlent des plantes qu’ils ont prises durant le mois et qu’un sourire apparaît sur leur visage. Eux aussi commencent à les aimer d’amour, ces plantes... Ce qui m’amène à vous parler de cet autre côté merveilleux d’être herboriste, qui est de devenir une espèce d’intermédiaire, de messager entre le monde des humains et le monde végétal fongique. Lorsque nous présentons une plante ou un champignon à un client, c’est souvent comme lui présenter des amis. Cela peut être l’occasion pour lui de soigner non seulement un déséquilibre ou un symptôme, mais aussi sa relation avec la nature. Il s’ouvre alors à un espace profondément joyeux. Découvrir et partager cet amour avec d’autres, herboristes et clients, est en fait à la source de ma motivation.

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Et c’est pour toutes ces raisons que l’herboristerie fait partie des outils dont nous disposons pour guérir cette relation blessée que nous entretenons collectivement avec la Terre Mère. À travers les plantes, à travers la conscience que celles-ci font partie de notre famille, nous pouvons réapprendre à voir la nature comme bienveillante. Non pas comme offrant des ressources à exploiter et à contrôler, mais plutôt comme notre famille, qui prend soin de nous. Cela fait en sorte que nous voulons aussi prendre soin d’elle.